vendredi 24 décembre 2010

Que de plaisir perdu

Puisque nous allons tous mourir un jour, vaut mieux que ce soit le plus tard possible et le plus en forme possible.  Est-ce que l’inquiétude fait mourir?  Est-ce qu’elle fait souffrir?  Posez-vous la question.
Je pense personnellement que l’inquiétude fait mal vieillir.  Pourquoi sommes-nous inquiets d’événements qui ne sont même pas arrivés?  Est-ce que plus on s’inquiète plus on a de la difficulté avec les événements, donc avec la vie? (puisque la vie est une suite d’événements prévus et imprévus)
Prenons par exemple, une copine qui s’inquiète pour ses enfants, son mari, ses voisins.  Alors que les enfants sont parfaitement autonomes et responsables, je sais que ça l’empêche de dormir.  Elle angoisse en pensant que ses enfants pourraient manquer d’argent, être malade, avoir un accident mortel ou pire encore qu’ils aient un accident les rendant handicapés, etc….etc… etc… Elle se fait de scénario incroyable.
Toute cette angoisse ne prévient pas les accidents ni les maladies.  Elle ne prévient rien finalement.  Donc ma copine ne dort pas, devient irritable, angoisse sur l’avenir incertain.  Elle s’en fait pour RIEN pantoute… elle ne dort pas pour RIEN pantoute… Et si jamais l’accident, la maladie arrivait, aurait-elle pu le prévenir, l’éviter, l’empêcher?
Pour l’aider, son mari demande aux enfants et petits enfants de ne rien dire à leur mère, grand-mère, qui pourrait l’inquiéter.  Les jeunes évitent donc de parler de leur projet en présence de leurs parents.  La communication entre les deux, trois générations se filtre et se détériore tranquillement. (Ne dis pas à grand-mère que tu fais du bunjee).  On n’ose plus se voir, se parler, se confier, de peur d’angoisser, de paralyser, de faire vieillir, de faire mourir!  On commence à s’éviter et quand on se voit on a hâte d’aller ailleurs pour parler ouvertement avec du monde où on peut parler pour vrai, partager nos bons coups, nos idées…
Que de plaisir perdu! 
Et tout d’un coup, on se réveille vieux, seul et angoissé parce qu'on a vécu en pensant que le pire pourrait arriver.  On n’a jamais rien vu arriver et il est probablement trop tard.  Y’a des gens qui vieillissent bien et d’autres … qui croient qu’en leur vérité.

2 commentaires:

  1. "Il y a celle qui veille sur ce qu'elle aime - sans l'empêcher d'aller son cours. Et il y a celle qui se tourmente pour ce qu'elle aime - en tâchant de modifier son allure." (Le Très-Bas / Christian Bobin).

    Ah! l'inquiétude qui paralyse, qui castre, qui dévore, qui nous coupe la langue! Quel beau sujet!

    Mais qu'est-ce l'inquiétude lorsqu'elle est à ce point castrante sinon un besoin de contrôle? Il me semble toujours entendre un JE égocentrique inconscient ou une peur de l'inconnu derrière ce genre d'inquiétude.

    J'ai aussi cessé de parler de ma vie et de mes projets à mes parents et à ma famille en général à cause de cette fausse inquiétude qui refait toujours surface: tu devrais pas, ça pourrait être dangeureux!; t'as pas peur d'attraper quelque-chose?; on sait jamais, des fois que...; c'est déjà arrivé à quelqu'un, tu sais...; j'aurais (le fameux JE égocentrique) beaucoup de peine si...; il me semble que c'est beaucoup d'argent pour ce que ça vaut vraiment; tu devrais pas...; pourquoi tu fais pas comme moi...; si j'étais à ta place...

    Si! Si! Si! Eh bien justement! vous n'êtes pas à notre place. Et comme le dit le dicton: Avec des si, on va à Paris. Lâchez-moi le si, pis allez-y donc, d'un coup que vous auriez du fun! Ben non, on sait jamais, avec le terrorisme aujourd'hui, ton avion pourrait être détourné pis s'écraser sur la tour Eiffel...

    Sur la plage de Cayo Largo, j'ai relu le magnifique livre de Christian Bobin, "Le Très-Bas", où il fait l'éloge de François d'Assise. Bobin est un des plus grands admirateurs des femmes, des mères, des enfants (au sens très noble des mots), mais il ne fait pas moins mention du besoin de s'éloigner des parents, justement pour s'affranchir du fameux contrôle parental inapproprié.

    Quelques passages sur le rapport mère-enfant m'ont rappelé mon propre rapport avec ma mère et me font penser au sujet de ton blogue d'aujourd'hui:

    "Ce qu'une mère veut dans un prénom, elle le glisse entre le corps et l'âme de son enfant, là, bien enfoui, comme un sachet de lavande entre deux draps."

    "Elles voient l'enfant vivre, jamais grandir. Elles voient l'enfant dans l'éternité de son âge, elles ne voient jamais le passage d'un âge à un autre, d'une éternité à la suivante."

    "Il y a un temps où les parents nourrissent l'enfant, et il y a un temps où ils l'empêchent de se nourrir. L'enfant est seul à pouvoir distinguer entre ces deux temps, seul à en tirer la conclusion logique: partir. Non pas lutter. Ne surtout pas lutter - partir. [...] s'opposer à quelqu'un c'est se teinter plus ou moins de lui."

    "Il est bon pour l'enfant d'avoir ses deux parents, chacun le protégeant de l'autre: le père pour le garder d'une mère trop dévorante, la mère pour le garder d'un père trop souverain". J'ajouterai à ces sages paroles de Bobin: mais qu'en est-il de notre société québécoise des pères absents où, pendant des générations, la mère jouait à la fois le rôle du père et de la mère? L'enfant restait sans protection. La seule issue: partir, fuir (pas la fuite de la lâcheté, mais plutôt celle de la survie)! Tiens, il faudrait que je relise aussi "Père manquant fils manqué" de Guy Corneau.

    Je crois que ce dernier extrait du livre "Le Très-Bas" de Bobin serait un bel exergue pour ton blogue sur le vieillissement: "On a vingt ans et des poussières. Les vingt ans c'est pour le corps, la poussière c'est pour l'âme."

    Bonne Année 2011!

    RépondreSupprimer
  2. En effet André, les sages paroles de Bobin, sont tout à fait approprié. Pour ce qui est des générations d'enfants qui ont été élevés par un seul parent, soit la mère, à mon humble avis, rien n'a vraiment changé. Je conseillais une amie de ma fille qui tente d'avoir des enfants à 24 ans. Je lui disais assure toi de pouvoir l'élever seule, financière, émotivement, moralement, etc... puisque 50% des couples qui se marient, se divorcent après à peine 6 ans et on compte pas les couples qui ne sont pas mariés qui se séparent après avoir conçu des enfants. Je crois qu'on peut élever seule ou seul des enfants, il faut juste être prêt ou prête. Ce sera plus facile pour nous et pour les enfants. Je t'embrasse André et te souhaite une merveilleuse année 2011.

    RépondreSupprimer